En réaction à la saisie de 134 Fiat Topolino fabriquées au Maroc par les douanes italiennes, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a critiqué jeudi soir le retour du protectionnisme dans certains pays industrialisés, analysant les motivations derrière cette « décision souveraine ».
Les douanes italiennes ont saisi 134 Fiat Topolino assemblées au Maroc au port de Livourne en raison de la présence d’un drapeau italien sur la carrosserie du véhicule.
Stellantis Maroc est accusé de tromper les clients sur l’origine des véhicules fabriqués dans l’usine de Kénitra. Le groupe a décidé de retirer un petit autocollant portant le drapeau italien, qui était apposé à l’arrière du modèle lancé l’an dernier.
Lors d’une conférence à la Fondation Lafqui Titouani, le ministre de l’Industrie et du Commerce a qualifié cette décision de «souveraine d’un État souverain», ajoutant que «les marques qui opèrent chez nous doivent la respecter».
Mezzour a souligné que Stellantis se conformera à cette décision en retirant le drapeau italien de la voiture, précisant que celle-ci reste une voiture italienne, conçue et dessinée en Italie par des ingénieurs italiens, bien qu’elle ait été fabriquée au Maroc.
Se montrant compréhensif à l’égard de la décision italienne, le ministre n’a pas manqué de la replacer dans son contexte.
« Repli protectionniste »
«Cette décision intervient à un moment où la conjoncture mondiale est quelque peu difficile. À une époque où les pays industriels dominaient la production, ils cherchaient à ouvrir des marchés à l’échelle mondiale. Cela a conduit à la création d’accords tels que l’OMC, le GATT, et à la promotion de la mondialisation, de l’ouverture des marchés et de la libre circulation des biens à travers le monde, ainsi qu’à la conclusion d’accords de libre-échange, etc. À cette époque, ces pays étaient les principaux exportateurs. Cependant, lorsque des pays du Sud comme le Maroc ont développé leur propre capacité de production, ils sont également devenus des concurrents sur le marché mondial. C’est à ce moment-là que ces pays ont commencé à suggérer qu’il était peut-être temps de revoir les règles», a-t-il analysé, soulignant les deux poids deux mesures des pays du nord.
«Ils sont venus nous dire: « Nous voulons une production sans carbonne », et nous avons répondu : « Bien sûr, c’est dans notre intérêt ». Ils ont exigé certains critères, et nous avons répondu : sans problème », a-t-il illustré.
« Néo-souverainisme »
Dans cette veine, Mezzour a mis en lumière le retour progressif des doctrines souverainistes en Europe. « Sous prétexte de réduire la dépendance à l’égard de certains pays, ils cherchent à relocaliser un grand nombre d’industries au nom de la souveraineté. Ils incitent les industriels à rapatrier leur production », a-t-il relevé, faisant allusion aux discours des ministres européens sur la relocalisation.
«Je comprends qu’un gouvernement ayant une marque historique se pose la question de savoir pourquoi cette marque est produite au Maroc et non en Italie. La Première ministre Giorgia Meloni s’est récemment interrogée à ce sujet (…) », disait-il avant qu’un confrère ne l’interrompe: «Elle affirme que les véhicules fabriqués en Italie sont de meilleure qualité».
Et le ministre a répondu: «Personne n’est meilleur que toi en terme de qualité et de compétitivité».
«Ce n’est pas moi qui le dis, mais les présidents et les hauts responsables de la société productrice. Un homme politique peut vous dire ce qu’il veut ; je pourrais vous dire que le Maroc est le meilleur au monde en termes de qualité, et un homme politique italien pourrait vous dire la même chose. Cependant, celui qui produit reste le meilleur arbitre», a-t-il poursuivi.
«Dans une déclaration hier (mercredi), le producteur a affirmé que le Maroc est devenu aussi compétitif que la Chine (au même niveau que la Chine) et que l’usine de Kénitra offre la meilleure qualité au monde et une compétitivité exemplaire», a-t-il déclaré avec fierté.
De l’importance des nouveaux débouchés
«Aujourd’hui, alors que certains pays commencent à adopter des mesures protectionnistes, nous entendons parler de backshoring, nearshoring, inshoring, etc. La mondialisation semble reculer au profit d’une recentralisation sur les marchés nationaux», a-t-il constaté.
«Nous devons trouver notre place. Cela est toujours possible grâce à nos marchés historiques que nous ne pouvons pas sacrifier. Actuellement, 80 % de nos voitures sont vendues en Europe. Il ne faut pas se leurrer. Bien que nous exportions nos voitures vers 70 pays, la majeure partie de nos ventes se fait en Europe», a-t-il nuancé.
Affirmant que le Maroc compte maintenir sa position sur ce marché grâce à sa compétitivité et à la proximité géographique, ainsi qu’aux investissements majoritairement européens, Mezzour a expliqué que le Royaume ambitionne d’explorer de nouveaux marchés.
Cette ambition n’est pas seulement motivée par la recherche de marchés de substitution, mais aussi par la nécessité de garantir de nouveaux débouchés.
«C’est une autre bataille, la plus importante, celle de la création de davantage d’opportunités d’emploi. Nous ne créons pas suffisamment de postes pour absorber notre jeunesse. C’est là le véritable enjeu auquel nous faisons face», a-t-il conclu.
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