Par Hassan Alaoui
Le temps des révélations historiques et des documents juridiques resurgit et comme par enchantement semble reprendre le dessus dans cette affaire du Sahara marocain , qui constitue à n’en pas douter le plus grand hold-up du siècle.
Fabriquée de toutes pièces par le pouvoir de Boumediene, elle a bénéficié notamment de conditions que les marxistes qualifient « d’objectives », autrement dit du contexte de la guerre froide, qui opposait les deux blocs de l’époque, occidental d’un côté et soviétique de l’autre. Elle a également été subvertie par la littérature et le catéchisme politique des années soixante à l’aune du triomphe relatif du langage socialiste sur lequel l’Algérie et certains Etats du Tiers-monde avaient allègrement surfé. Tant et si bien que, soutenus par l’Union soviétique de l’époque, ils croyaient investir et « coloniser » pour de bon le cadre des Nations unies, l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et la 4ème Commission devenue le théâtre de subterfuges algériens, ainsi que d’autres organes.
Nous gardons toujours en mémoire cette image grotesque d’un Abdelaziz Bouteflika, affublé , grisé par son quolibet de « plus jeune ministre des Affaires étrangères » qui paradait sur les travées de l’ONU, un cigare Cohiba au bec, fabulant et ergotant à n’en plus finir sur les thèmes de l’anticolonialisme, la libération des peuples, la glorieuse et révolutionnaire Algérie…Sauf qu’au sujet du Sahara marocain dont Boumediene venait de faire le cheval de bataille de son expansionnisme rampant, il se heurtait lamentablement à plus fort que lui, à plus éloquent et déterminé, un certain Ahmed Taibi Benhima, ministre des Affaires étrangères du Maroc. La 4ème Commission de l’ONU était, à notre corps défendant, transformée en champ clos algérien, une sorte de chambre d’enregistrement des manœuvres de Bouteflika et consorts, noyée dans la propagande d’Alger au nom du Tiers-Monde.
Le Maroc a posé la question de son Sahara dès 1956
Ni les grandes puissances, ni a fortiori les Nations unies n’avaient prêté attention à un facteur décisif dans cette affaire, celui du fait que l’Algérie n’existait pas en tant qu’Etat constitué et reconnu avant 1962. Non plus qu’elle était d’abord une province turque avant de devenir un département français en 1830…Non plus que le Maroc, en accédant à son indépendance en novembre 1955 et mars 1956, avait posé résolument la question, aussi bien à la France et l’Espagne qu’aux Nations unies, de la récupération de ses territoires spoliés du Sahara qui vont de Lagouira – on dira à présent de Guerguérate aussi – jusqu’aux confins du sud-est, incorporant le Tidikelt, le Touat, Saoura, Gourara, Bechar et Tindouf…
Tous ces territoires du Sahara central appartiennent au Maroc de jure et de facto, concédés arbitrairement et unilatéralement par la France coloniale à l’Algérie en 1962 . Les archives historiques, les traités, les pièces officielles en témoignent. Ils avaient été arrachés au Royaume chérifien du Maroc, sans scrupules, sans accords signés, sans négociations, mais en violation du droit international, avec cette invocation fallacieuse du « fait accompli ». Ils étaient incorporés dans le grand projet que la France avait lancé et mis en place en 1957 de l’OCRS ( Organisation commune des régions sahariennes). Le lancement de de projet géoéconomique ambitieux avait eu pour première conséquence immédiate d’arracher une partie de leurs territoires au Maroc, au Mali, à la Mauritanie, au Niger et à l’Algérie coloniale. Dans l’esprit des géniaux stratèges français, habitués à l’époque à travailler sur des cartes un crayon et un ciseau à la main, ce projet devait finir par constituer in fine un territoire autonome voire même un minuscule Etat voué à fournir à la France pétrole, gaz, fer et sidérurgie, toutes ressources stratégiques à l’époque.
Des territoires grignotés , « bouffés » à droite et à gauche de cet immense espace désertique, la France entendait y faire, selon une suggestion d’Alain Peyrefitte – alors ministre de l’Intérieur – un Etat indépendant, le Maroc étant en premier rogné dans sa profondeur géographique et l’Algérie héritant d’un territoire devenu démesurément « gonflé ». La responsabilité de la France est évidemment lourde. Et soixante ans après, les conséquences de sa politique de partage léonin – au détriment du Royaume du Maroc – ne l’atténuent nullement. Les archives coloniales enfouies au Centre historique du ministère français de la Défense à Vincennes , consacrées à sa présence de plus de 43 ans au Maroc, témoigneraient vite de l’injustice absolue qui a été faite à notre pays. Autrement dit, la partition arbitraire a été entérinée aussi impunément que pouvait l’être une violation par un Etat fort – la France – contre un pays affaibli, morcelé à la Conférence d’Algésiras en 1906 par les impérialismes de toutes sortes, objet ensuite d’agressions commises par les puissances, l’Espagne au nord et au sud, la France au milieu et sur le littoral…
Jamais jusque-là , en effet, l’intégrité territoriale du Royaume chérifien n’avait été mise en cause . Et l’Algérie, fief reculé vers l’ouest de l’empire ottoman, colonisée par la France en 1830, n’existait pas en tant qu’Etat, sinon sous forme d’un département français avec un peuple que le Maroc , fondant ses espoirs unitaires dans sa future émancipation soutiendra et appuiera dans sa lutte à partir de 1956.
Las !
Les germes de la trahison algérienne
Les germes de la trahison algérienne envers le Maroc existaient-elles déjà dans l’esprit des futurs dirigeants algériens ? Ils étaient nombreux à faire le voyage de Rabat, à obtenir l’aide, en argent et en armes, des Rois du Maroc, en l’occurrence Mohammed V et Hassan II. Ils faisaient tous serment de fraternité envers notre pays et ses institutions. Il a été dit, ici et là, que ceux qui formaient ce qu’on appelle « le clan d’Oujda », entre autres Boumediene et Bouteflika qui y avaient pignon sur rue, se sont en fin de compte révélés être au lendemain de l’indépendance les plus obsessionnellement antimarocains… L’un et l’autre ont tout simplement enterré la gratitude et la fraternité du peuple du Maroc, comme aussi cette déclaration solennelle de Juillet 1961 signée par Farhat Abbas, président du GRPA à Rabat avec le Roi Hassan II, et reconnaissant clairement les frontières internationales du Maroc…
Membre fondateur de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) en 1961, le Maroc avait rejeté dans la foulée la sinistre théorie de « l’uti possidetis » ou « d’intangibilité des frontières héritées du colonialisme » que les résidus de la littérature coloniale entendaient perpétuer. Car, le Maroc en accédant à l’indépendance en 1956 avait aussi réclamé avec force le parachèvement de son intégrité territoriale, ensuite déposé une requête aux Nations unies pour revendiquer ipso facto son territoire du sud occupé depuis 1934 par l’Espagne, comme il fera de nouveau en 1962-63 et en défendra bec et ongles le principe de décolonisation devant la fameuse 4ème Commission des Nations unies, harcelée et transformée plus tard en « chasse gardée » par l’Algérie. Or, dès la création de l’Organisation de l’Unité Africaine en 1963, le Maroc n’a cessé de rejeter la clause sur l’intangibilité des frontières héritées du colonialisme. La communauté mondiale des juristes y faisait écho. En témoigne le texte que Maurice Flory, professeur de droit et de science politique à l’Université d’Aix-en-Provence, à l’époque observateur pertinent du dossier du Sahara, écrivait : « Le territoire, écrivait-il, est source de contentieux. L’apparition des nouveaux Etats issus de la décolonisation ne pouvait que multiplier les difficultés en raison du caractère le plus souvent artificiel des frontières coloniales. Aussi l’une des premières initiatives de l’Organisation de l’Unité Africaine ( OUA) a-t-elle été le vote d’une recommandation destinée à geler la situation telle qu’elle résulte du découpage colonial afin d’éviter une remise en cause généralisée qui aurait été la source d’un gigantesque et inépuisable contentieux
« Il eût été trop beau de croire qu’une recommandation pouvait régler un problème aussi complexe. L’affaire du Sahara occidental en est l’illustration ». (Cf. Maurice Flory : « L’Avis de la Cour Internationale de Justice sur le Sahara occidental, 16 octobre 1975)
Ce témoignage, on ne peut plus éloquent, se suffit à lui-même. Il rejoint et résume la position du Royaume du Maroc qui, documents et pièces à conviction à l’appui, affirme avec force que le Sahara n’a jamais été « terra nullius » et , l’avis de la CIJ l’a démontré, des liens juridiques et historiques forts, ont toujours existé depuis la nuit des temps avec le Royaume du Maroc. A telle enseigne que la monnaie du territoire était frappée à l’effigie du Roi, la prière du vendredi dite en son nom et les actes d’allégeance prêtés régulièrement à son endroit. Les gouverneurs et les autorités relevaient du pouvoir du Roi qui les nommait, à Smara, Dakhla, Tindouf, Bechar …
Boumediene ou le mimétisme de Bismarck
Rien ne viendra modifier ce cours des faits tangibles qui sont à l’histoire du Maroc ce que le souffle est à la vie. Ils sont consubstantiels à sa mémoire éternelle, et la colonisation à géométrie variable du Maroc par les impérialismes divers ne fera que renforcer le sentiment nationalitaire de son peuple. Or, une fois la France partie du Maroc après l’avoir dépecé et morcelé jusqu’à la caricature, après que l’Espagne de Franco eût aussi rétrocédé sous la pression de la Marche verte le Sahara en signant le 14 novembre 1975 l’Accord tripartite de Madrid, voilà que l’ambitieux Boukharrouba, alias Boumediene se prit pour le Bismarck de la région, jetant son dévolu sur les frontières de ses voisins, Maroc et Tunisie, grignotant sans vergogne des portions significatives de leurs territoires et, comble de l’arrogance, reluquant le Sahara marocain…
Les promesses faites au Roi Hassan II lors du Sommet bilatéral d’Ifrane en janvier 1969 sur les frontières , non seulement n’ont jamais été respectées, mais elles se sont transmuées en déclarations de guerre sur fond de cynisme algérien que l’agression de l’ANP de janvier-février 19676 contre Amgala est venue confirmer. Le Sommet d’Ifrane aura été de ce fait le premier et sans doute le dernier de son genre à avoir abordé le sujet des frontières du sud-est marocain entre les deux pays. Ces frontières qui n’en ont que le nom constituent à vrai dire le plus révoltant scandale de l’histoire de la région des années soixante. La démonstration est plus que faite explicitement que l’Algérie, de pays colonisé est devenue la « puissance coloniale » de la région , dans le sillage des puissances française et espagnole, elle est leur héritière naturelle, parce qu’elle n’a de cesse de mettre en œuvre l’expansionnisme le plus abject et le plus pervers.
Force est de nous interroger à présent si, comme un impératif catégorique, nécessité n’a pas lieu pour le Maroc de poser les termes d’une revendication sérieuse et opposable à l’Algérie des territoires spoliés que sont entre autres Touat, Tidikelt, Gourara, Saoura , Bechar et Tindouf dont la preuve de leur appartenance historique au Maroc est plus que tangible et évidente ?
Maroc diplomatique