Plusieurs amis se sentent sceptiques en raison de l’inflexibilité du Maroc face à l’attitude stagnante de la France concernant le dossier du Sahara. Ils croient que ce pays dispose d’une force de nuisance, capable de compromettre facilement et rapidement l’ascension actuelle du Maroc en Afrique.
Et il est vrai que, jusqu’au début des années 2010, la puissance française pouvait aisément détruire ou renforcer un État africain, en fonction des intimes intérêts économiques et politiques de la France au sein de sa sphère d’influence, délimitée lors la conférence de Berlin (1884-1885).
Sauf que la France de Macron n’est ni celle de Pompidou ou Giscard et encore moins celle de Mitterrand ou Chirac. Ces Présidents qui ont su entretenir et renforcer la puissance française en Afrique, en baguenaudant comme d’authentiques « bourgeois » entre Alger et Libreville, sans que jamais un quelconque dirigeant africain n’ai pu critiquer ou remettre en cause « l’exaction » de l’influence française dans son pays.
Et même à l’époque de Sarkozy, Paris pouvait toujours se targuer de pouvoir faire ou défaire les gouvernements africains qui répondaient positivement, peu ou point, aux injonctions de l’Élysée. D’ailleurs c’est grâce à ce président que le Maroc avait réussi à introduire en 2007, son plan d’autonomie avancée, que la France allait soutenir, au sein du conseil de sécurité. Mais ce support français n’était pas du tout gracieux ou bénévole. Il a été négocié entre Rabat et Paris au détriment de la bourse des citoyens marocains. Car entre TGV, Port de Tanger Med, Redal, Lydec…, la France s’est grassement empiffrée durant des années, moyennant les bénéfices dégagés par ces énormes chantiers et entreprises marocaines.
Sauf qu’en réalité, la France n’a jamais eu de décisions indubitables, crédibles ou durables. L’attitude et l’action française dépendaient tout simplement des avantages qu’elle projetait d’extorquer du Maroc comme de l’Algérie. D’ailleurs ses responsables élyséens ne cessaient de flâner entre Rabat et Alger en promettant à chacune des deux capitales, une solution avantageuse à ce litige.
Sauf que même si le Maroc ne possédait ni gisement de pétrole ni champs de gaz, il pouvait cependant compter sur le génie de son défunt Roi et l’intelligence des femmes et des hommes qui l’entouraient. Un monarque qui a pu, grâce à son ingéniosité, écraser une coalition internationale menée par l’Algérie. Une poignée d’Etats socialistes qui se portaient fort pour défendre l’autonomie d’un territoire n’ayant jamais existé, durant toute l’histoire de l’humanité, ni sur un livre de contes ni sur une carte géographique, comme un État ou une communauté indépendante ou affranchie.
C’était tout simplement une guerre entre l’Algérie « française » des richesses énergétiques et le Maroc de l’intelligence humaine… C’était aussi un conflit entre deux principes liés au découpage des États africains après le départ des colonisateurs. Rabat défendait le principe de « liens historiques » entre les populations et leur territoires. Tandis qu’Alger, soutenue secrètement par Paris, prônait le principe « d’intangibilité des frontières post coloniales » en refusant toute altération des bordures et séparations léguées par les colons.
Or en revenant aux craintes de mes amis, posons nous la question suivante : comment peut-on évaluer aujourd’hui le degré d’influence française au Maroc et en Afrique ?
Pour répondre à cette question, je crois qu’il faut revenir à la date de décès du défunt père de la nation feu SM Hassan II. Et il faut aussi convenir que notre souverain, que Dieu l’assiste, à tout naturellement hérité du trône de ses ancêtres Alaouites, mais également de l’ingéniosité des monarques de cette dynastie. Car rappelez vous de la période qui a suivi les obsèques du défunt Roi SM Hassan II, notre monarque avait programmé plusieurs visites à l’étranger, dont principalement vers la France et vers les États Unis d’Amérique.
Ensuite il s’était déplacé en Russie puis en Chine pour clôturer ses déplacements par un périple africain. Or pour le commun des mortels, ces voyages du souverain avaient pour simple programme de consolider les rapports économiques avec les pays visités. Et personne ne s’était alors douté que le jeune roi était en fait, en train de tisser la toile d’une stratégie multilatérale ingénieuse, qui allait placer le Maroc, plus tard, au rang de « locomotive » du continent Africain. Et d’ailleurs dans ce jeu de géopolitique internationale, qui s’apparente souvent à une parties d’échecs, les monarques marocains se sont toujours distingués par des issues de parties victorieuses.
Et rappelez vous aussi de la main tendue du monarque à l’adresse de l’Algérie depuis 2018. Une recommandation que les responsables algériens n’ont jamais réellement compris ni profondément assimilé. Or cette « main tendue » était tout simplement un message destiné aux autorités algériennes pour les empêcher de s’enfermer dans un traquenard qu’ils avaient eux même tendu au Maroc.
D’ailleurs, et depuis cette année 2018, nous constatons clairement que l’Algérie ne cesse de se noyer dans ses propres « sables mouvants ».
Pourquoi?
Eh ben tout simplement parce que d’une part l’Algérie c’est clairement la France habillée en « djabadouli » algérien, et d’autre part, parce que le Maroc a réussi à « culbuter » tous les outils d’influence de la puissance française au Maroc et en Afrique.
Rappelez vous de la grosse bourde des autorités françaises durant le mandat de François Holland, lorsque la police de ce pays s’était empressée à la résidence de l’ambassadeur Marocain Mr Chakib Benmoussa pour remettre une convocation à Mr Abdellatif Hammouchi, directeur de la DST/DGSN marocaine afin de comparaitre devant un juge d’instruction français. Une bévue qui a été considérée au sein du « sérail » marocain comme un outrage à la dignité de toute la nation marocaine.
D’ailleurs la réplique de Rabat ne s’était pas fait attendre, puisque à cette époque, et selon certains spécialistes, toutes les antennes françaises de la DGSE avaient été « grillées »… une situation qui allait pousser ces agents supposés « secrets », à regagner leur administration centrale en France. Les services marocains avaient alors certainement pris le relais de ces antennes françaises pour construire l’un des plus puissants réseaux de renseignement en Europe et en Afrique. Au point où nos services pouvaient obtenir des informations fiables sur des opérations terroristes futures dans les quatre coins du monde.
En plus, le Maroc, et grâce à l’ingéniosité de sa diplomatie dirigée par le souverain en personne, n’a pas fait dans la demi-mesure. Car on imagine bien que l’action marocaine en Afrique n’est pas seule ou isolée. Bien au contraire, elle prend pour appui et base arrière, une très grande puissance, en l’occurrence les États Unis d’Amérique. Eh oui, SM le Roi Mohamed VI l’avait bien annoncé à Georges W. bush : « les relations entre le Maroc et les USA doivent passer à la vitesse supérieure ». Mais alors que pouvait offrir le Maroc aux américains d’aussi précieux pour susciter leur intérêt et les pousser à faire du Maroc le pays « pilote » ou « locomotive » en Afrique ? Puisqu’on imagine bien qu’en relations internationales, il n’y a que le cash qui prévaut, les sentiments demeurent des histoires de familles et d’entourage…
Pour répondre à cette question je crois que le Maroc dispose de deux atouts essentiels :
1-/ les richesses énergétiques non encore exploitées au Sahara et au large des côtes sahariennes. Ce dont les américains peuvent bénéficier dans le cadre de partenariats avancés tant dans la prospection que dans l’exploitation.
2-/ une diplomatie performante capable de permettre une incursion américaine en Afrique atlantique.
Car il est aujourd’hui parfaitement établi que les USA cherchent à sécuriser la façade atlantique du continent noir contre toute présence militaire russe ou chinoise. Et je ne le répéterais jamais assez : la sécurité du continent américain est intimement liée à celle de la façade atlantique Africaine.
Et c’est apparemment là où le Maroc est sollicité pour jouer le rôle de leader dans une géopolitique où les acteurs sont tant divers que multiples.
Or pour remplir pleinement cette mission, le Maroc devait être renforcé politiquement, économiquement, voire même militairement. Il devait aussi être débarrassé de son problème lié à son intégrité territoriale. Et comme l’enjeu sécuritaire des américains prévalait sur tout autre intérêt, le Maroc fut soutenu pour conforter sa place de leader au sein du continent africain. Comment ?
1-/ la réintégration de l’UA par le Maroc,
2-/ le partenariat Maroc-USA-Israel,
3-/ la reconnaissance par Washington de la marocanité du Sahara,
4-/ l’encouragement des partenaires occidentaux, arabes et africains des USA à soutenir la solution d’autonomie proposée par le Maroc,
5-/ le renforcement des capacités militaires marocaines,
6-/ le rapprochement avec les pays africains pour un nettoyage de l’UA de sa gangrène Algéro-Sudafricaine,
7-/ le soutient au Maroc pour la création et la gestion d’une union entre les pays de l’Afrique Atlantique.
8-/ le soutient à l’isolement de l’Algérie pour une solution définitive au conflit du Sahara marocain.
D’ailleurs nous constatons clairement aujourd’hui que le Maroc a réussi dans toutes ses missions grâce à une « béquille » américaine qui n’a pas fait défaut, du moins jusqu’à ce jour…
Or ce soutient de Washington, jusque là indéfectible, a poussé un certain nombre de pays européens à adhérer à la nouvelle version de la vision occidentale des américains. Seule la France a continué à traîner le pas, certainement en raison de ses « mélancolies » coloniales envers l’Afrique. Autrement dit, Paris ne veut pas se défaire de son influence excessive et absolutiste en Afrique.
Mais comme dit le dicton arabe : « les vents ne soufflent pas éternellement dans le sens qu’espèrent les chalutiers ». Et il est vrai que ces dernières années, la France n’a plus le vent en poupe en Afrique. Bien au contraire, elle en est complètement chassée par la Russie, la Chine, la Turquie et les pétrodollars du golf. Alors qu’en face, le Maroc s’y installe confortablement. Ce qui prouve, sans aucune équivoque, que le Maroc rempli parfaitement bien sa partie du « contrat africain ». Et rien que pour cela, Washington continue à intensifier son soutient à Rabat, bien que celui-ci soit de nature tout à fait sobre et discret : « Dakk we skate ». Mais alors la question qu’on pourrait légitimement se poser : comment a fait le Maroc pour convaincre la Russie, l’allié indéfectible de l’Algérie pour se rapprocher du Maroc au lieu de renforcer son partenariat avec Alger?
Là aussi, il faut se rappeler d’abord de la parole divine :
« و سيعلم الذين ظلموا أي منقلب ينقلبون ».
Ensuite il faut revenir à la guerre d’Ukraine où Moscou avait viscéralement besoin de l’appui algérien pour asphyxier l’Europe en fourniture de gaz, alors que les stocks des pays de ce continent étaient complètement vides. Ce qui allait permettre à la Russie de les faire plier devant ses revendications en Ukraine. Mais là aussi, il s’est avéré que l’Algérie roulait viscéralement au fuel français. Puisqu’elle s’était empressée de débiter son gaz aux pays du sud de l’Europe sans aucune contre partie politique ou économique. Un acte qui était perçu par Moscou comme une haute trahison.
Et avec cette bourde houkiste, il faut dire que la diplomatie « makhzenienne » n’a pas tarit d’efforts pour carrément assiéger l’Algérie :
⁃ Le Général Haftar en Libye s’oppose aux généraux algériens et réclame la restitution des territoires annexés injustement par la France à l’Algérie,
⁃ Les maliens, aidés par les émirats et le groupe Wagner font le nettoyage aux frontières avec l’Algérie, repoussant les opposants Azawads à l’intérieur des terres algériennes. Ils menacent même de déclencher une guerre contre Alger si celle-ci interfère de nouveau dans les affaires intérieures maliennes.
⁃ Le Tchad, soutenu par les émiratis, ne cache plus son animosité envers le pouvoir algérien.
⁃ Et enfin, la Mauritanie qui se donne en spectacle en Algérie pour laisser Tebboune prendre des clichés électoraux, mais qui a certainement choisi de s’aligner derrière le Maroc.
Pourquoi le Maroc ? Eh ben parce que pour Nouakchott « y’a pas photo ». Car entre des « promesses d’amour » à la façon « Enrico Macias » constamment brandillées par Droopy & co, sans jamais voir le jour, et une stratégie de développement durable garantie par un monarque pragmatique, fiable et crédible, soutenu par une manne financière émiratie, sous influence américaine, il ne faut pas avoir un QI d’Albert Einstein pour faire le bon choix…
Nous revenons ainsi à la question de savoir si la France dispose toujours d’une capacité de nuisance vis-à-vis du Maroc.
Personnellement je pense que non et ce, pour 3 raisons :
1-/ la France a perdu toute capacité d’influence dans beaucoup de pays d’Afrique en raison de son conflit frontal avec la Russie. Et Dieu sait que Moscou est bien implantée actuellement en Afrique en fournissant armes et soldats aux pays en proie à une instabilité alimentée par les services de renseignements français et algériens.
2-/ La France n’a plus la capacité économique pour soutenir et cultiver son influence en Afrique en raison des circonstances économiques désavantageuses actuelles liées à la guerre d’Ukraine et à l’augmentation du nombre d’acteurs économiques opulents et rivaux en Afrique.
3-/ La France ne peut remettre en question ses investissements au Maroc. Premièrement parce que ces investissements sont privés. Secundo, parce que ces investissements sont essentiels pour la France si elle veut continuer à concurrencer les produits des autres pays en Europe et en Afrique. Puisque le cadre industriel offert par le Maroc aux investisseurs étrangers s’avère être parmi les moins coûteux et les plus performants dans la région.
Ce qui revient à croire que la France n’a plus d’autre alternative que celle du soutient du plan d’autonomie marocain, qu’elle considérera dorénavant comme « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible » pour mettre fin au conflit du Sahara.
Cependant le retard qu’a pris la France pour s’aligner sur la position américaine est une erreur stratégique française qu’elle risque de payer trop cher. Et d’ailleurs elle risque de la payer encore plus cher si jamais la Grande Bretagne lui emboîte le pas pour déclarer clairement son soutient au plan d’autonomie proposé par le Maroc.
Et ce n’est nullement un fantasme ou une chimère, c’est un possibilité qui risque de se transformer en réalité dans les semaines qui suivent. Car Londres est parfaitement consciente que le timing de sa déclaration de soutient va inéluctablement consolider encore plus les relations politiques et économiques entre les deux pays. Puisque le Maroc n’a pas manqué durant la période de gel de ses relations avec la France, de montrer sa volonté de se mettre à « l’inglish » au détriment de la culture française, jugée moins mondialiste. Un message à l’adresse des anglo-saxons que le Maroc veut s’inscrire dans une dynamique mondialiste où la langue et la culture anglo-saxonne sont prédominantes.
Je terminerais par cette impression personnelle : la France de Macron a beaucoup nui à ses propres capacités économiques et politiques en Afrique en raison de l’obstination du président français à vouloir conserver son autorité par la force et la dissuasion, à un moment où il fallait plutôt faire prévaloir la sagesse et la négociation intelligente. Mais comme dit notre Professeur de relations internationales, Manar Esslimi :
« طريق الكابرانات كلها كحلة »
Macron a fait le mauvais choix de s’allier, de se serrer et d’embrasser le président algérien. Ce qui lui a valu « la poisse algérienne », qui elle, ne mène qu’à l’échec et la déroute.
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