Par Mohamed Ezzouak
Depuis 2011 et la nouvelle Constitution, les Marocains résidant à l’étranger (MRE) attendent l’opérationnalisation du droit de vote et d’éligibilité et la réforme du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger. Au lieu de cela, ils n’ont obtenu que la disparition pure et simple du ministère délégué qui leur était dédié. EDITO.
Le saviez-vous ? Les Marocains résidant à l’étranger sont des privilégiés. C’est en tout cas ce que beaucoup s’imaginent au vu du nombre d’institutions qui leurs sont dédiées. Ministère délégués en charge des MRE, Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, Fondation Hassan II, Fondation Mohammed V en charge de l’opération Marhaba, comité interministériel dédié aux MRE ; sans compter les consulats, les guichets uniques au niveau territorial, le fonds MDM Invest, etc. Je vous entends déjà vous exclamer : «Si avec tout ça les enfants gâtés de l’émigration osent encore se plaindre…».
Et pourtant, la réalité est bien moins reluisante. Le dernier discours royal en a dressé le triste constat en signifiant aux autorités que la copie sur ce délicat dossier est à revoir. Hormis l’opération Marhaba qui a été gérée convenablement, les Marocains du monde sont toujours victimes des blocages administratifs, de la lenteur de la justice, de l’inefficacité des politiques publiques, du désintérêt du gouvernement et des partis politiques, de la mobilisation saisonnière des autorités locales, ou des coups de com’ des institutions dédiées. Loin des yeux, loin du cœur, selon le proverbe qui semble avoir été adopté par nos responsables. Pourtant, ces mêmes MRE ont démontré que même loin des yeux, leur familles, leurs douars, leur pays sont restés près du cœur. En témoignent les arrivées massives durant l’opération Marhaba 2022 après deux années de privation dues aux restrictions du Covid-19. Sans parler des transferts de devises qui ont battu record sur record en 2020 et en 2021.
La classe politique a déserté
Malgré toutes ces preuves d’amour, les responsables politiques ont été aux abonnés absents à chaque doléance exprimée par cette communauté qui se sent mal aimée. L’impossibilité du rapatriement des dépouilles pendant le Covid-19 en 2020 restera comme une profonde marque de mépris de la part des partis politiques, qui n’ont pas bougé le petit doigt pour prendre en considération les drames vécus par les familles ici et là-bas.
Mais au-delà des exemples que je pourrai égrainer à n’en plus finir, ce qui est le plus problématique dans la conjoncture que nous vivons, c’est le désengagement politique des partis ces deux dernières années. Je voudrais citer deux signes qui documentent ce recul que le discours royal est venu sanctionner. En 2021 les partis politiques ont déployé une énergie considérable pour empêcher les MRE de voter pour leurs parlementaires comme le prévoit pourtant la Constitution de 2011. Pour enfoncer le clou dans le cercueil : le ministère délégué en charge des MRE a disparu, enlevant ainsi un portefeuille ministériel partisan qui existait depuis 2007. Désormais, c’est un département au sein du ministère des Affaires étrangères dirigé par un ministre non partisan. Voilà une belle manière pour les partis politiques d’enterrer la question politique MRE.
Manque de chance, après s’être désinvestis de ce dossier, les partis et l’exécutif vont devoir plancher en urgence sur des réformes pour concrétiser les orientations royales. Ce ne sera pas une mince affaire tant le millefeuille institutionnel est devenu aussi complexe qu’inefficace pour répondre aux doléances des MRE. Les échos gouvernementaux qui me parviennent n’incite pas à l’optimisme. Cueillis à froid, ils ne savent pas comment réformer dans le bons sens, ni comment répondre aux doléances de nos concitoyens. Les sorties médiatiques suite à la réunion du comité interministériel en charge des MRE a parfaitement illustré cette vacuité.
Alors, les Marocains résidant à l’étranger sont-ils privilégiés ? Pas plus que les Marocains du Maroc qui ont vu les millefeuilles institutionnels gagner en calorie sans que leur problèmes ne soient résolus. Notre classe politique semble avoir fait sienne cette célèbre phrase prononcée par Georges Clémenceau : «Si vous voulez enterrer un problème, nommer une commission.»
yabiladi