De l’avis des participants, la célébration du 70ème anniversaire de la Maison du Maroc à Paris, qui est fêtée depuis quelques jours pour la première fois de son histoire , aura constitué un moment fort en émotion, en souvenirs, en conférences et débats. Au cœur des milliers d’étudiants qui y ont résidé depuis son ouverture en 1953, cette Maison, patrimoine culturel et historique tient, faut-il le souligner, une place particulière.
Au Maroc, le patrimoine immatériel est d’une grande diversité et richesse englobant les arts, le savoir-faire, les traditions, des pratiques et le patrimoine humain vivant. Sans doute faudrait-il y ajouter la Maison du Maroc (MDM) à Paris, porteuse d’une histoire qui aura irrigué le récit national. En rappelant le titre d’un ouvrage paru récemment, « Les lieux qui disent », la Maison du Maroc qui a participé à la fabrique de l’intelligentsia marocaine nous dit et nous raconte un pan de l’histoire de libération du Maroc. Lieu de résidence estudiantin, la MDM est aujourd’hui une sorte de gardienne de la mémoire dans toute sa complexité. Pour les milliers de jeunes marocains résidents, cette maison aura conforté le sentiment d’appartenance et de lutte pour la libération et l’émancipation du Maroc. En restaurant et en protégeant au fil des ans ce patrimoine, le souci était d’offrir à la fois de bonnes conditions de logement aux différentes générations mais aussi de léguer un repère qui rassemble et participe à forger une identité ouverte permettant d’aller de l’avant.
Le programme consacré à cet anniversaire conjugue ces deux inflexions en étant à la fois un voyage dans le temps grâce à des moments forts consacrés à l’histoire, l’architecture, à la littérature, à la musique, au théâtre, au cinéma, l’exposition de peinture de Mourabiti, très prisé dans le monde de l’art et de l’environnement et fondateur d’Al Maqam, lieu de rencontres et résidences d’artistes , mais également une projection dans l’avenir porté par une série de conférences et de tables rondes animées par d’éminentes personnalités sur « l’écriture littéraire au Maroc », animé par Abdellah Ben Mlih, expert international en management des ressources humaines, Mustapha Kebir Ammi qui partage ses activités entre le Maroc, la France et les Etats-Unis et Abderrahman Tenkoul que l’on retrouve dans le « Maroc en mouvement ».Une dynamique que dessine Tanger Med , ce géant de la mer, levier de développement économique marocain revisité avec brio par Mohamed Metalsi ancien doyen de la Faculté Euromed de Fés et Jaafar Mrhardy, membre du Directoire du groupe Tanger Med, animé par Mohamed Benlahsen, président de l’Université de Picardie Jules Verne. La table ronde portant sur I’intelligence artificielle (IA), était animée par Amal El Fellah Segrouchni, Présidente exécutive de Ai Movement UMP6, centre international de l’IA du Maroc qui a résidé dans la MDM durant son parcours universitaire, Younès Benanni , chercheur au CNRS et Abderrahman Tenkoul , doyen de l’Université Euro Med qui compte à son actif un grand nombre de contributions et d’ouvrages. Le débat contradictoire qui s’ensuit révèle quant à lui, la complexité de ce monde qui vient.
La culture et le respect de l’altérité
A l’ouverture, Driss Khrouz, Commissaire de la semaine de célébration donne le coup d’envoi de cet évènement en mettant en avant le rôle de la culture au Maroc, porteuse du respect de l’altérité. La culture qui constitue, dit-il, le socle du vivre ensemble et de la tolérance, est le fondement de la diplomatie d’influence et de soft power du Maroc. Une philosophie portée par cette « grande institution qui a contribué au rayonnement du Maroc et à l’international et par où sont passés de grandes figures de la vie politique culturelle et artistique nationale ». Ces grandes figures sont connue, car il faut rappeler que cette Maison fut tout d’abord un haut lieu de militantisme s’inscrivant dès son ouverture en Octobre 1953, dans un contexte explosif avec la résistance armée dans différentes villes du Royaume et l’émergence en France des organisations étudiantes maghrébines comme L’AEMNA dont le siège est situé au 112 boulevard Saint Michel, aujourd’hui transformé en Institut culturel marocain qui attend d’être inauguré .
« La page du Watan réunificateur »
Au Maroc, l’ouverture du pavillon marocain en Octobre 1953 coïncide avec une tension qui est à son apogée. Les autorités du protectorat avaient en effet décidé , deux mois plus tôt de la déposition et de l’exil en Corse puis à Madagascar du Sultan Sidi Mohammed Ben Youssef qui avait octroyé des bourses aux étudiants marocains bacheliers. Alors que Jean Arnaud, premier directeur du pavillon marocain est chargé « selon la lettre du résident général Augustin Guillaume de « ramener à la France de jeunes intelligence égarées par les mirages du nationalisme », la MDM devient un haut lieu de combat nationaliste pour que « Vive le Maroc libre ». Les militants comme Meddah Abdelaziz , Mohamed Abdejalil, Ahmed Balafrej, Hassan El Ouazzani, Mohamed El Kholti Ahmed Snoussi, Moulay Ahmed Alaoui , Azeddine Laraki et bien d’autres du parti de l’Istiqlal s’engagent pour libérer le pays et pour le retour du Sultan. Les années qui suivent vont faire de la MDM une place forte de la lutte anti impérialiste dans la Cité universitaire internationale qui diffuse le pacifisme et le vivre ensemble, idées clefs du président fondateur André Honorat qui accueille des figures du rayonnement de la culture comme Aime Césaire, Jean Paul Sartre, Léopold Sedar Senghor, chantre de la négritude, Habib Bourguiba qui va loger dans l’un des pavillons .
Avec les années soixante, l’UNEM ( Union nationale des étudiants marocains) très active fait de la MDM son siège . Le pavillon fonctionne dès lors comme un incubateur social produisant à une échelle réduite, des mutations sociales et culturelles qu’allait connaitre le Maroc et où les notions de liberté, d’égalité de chances, de modernité investissent l’espace. Les évènements politiques comme la guerre des sables en 1963 , la disparition de Mehdi Ben Barka , l’état d’exception mais aussi Mai 68 vont plonger la maison dans l’illusion révolutionnaire avec comités d’occupation et comités de gestion. Avec l’année 1975,la mobilisation de la Marche verte et la question nationale de la récupération du Sahara , le balancier évolue vers le « Watan Citoyen » qui verra l’UNEM légalisée. Fermée de longues années la MDM, lieu hors du commun sera réhabilité avec une forte empreinte de l’architecture marocaine.
« On peut quitter le Maroc mais le Maroc ne nous quitte jamais »
Une empreinte et un décor patrimonial mis en exergue par le chef adjoint de l’Ambassade du Maroc Saad Bendourou qui rappelle l’architecture de Dar El Maghreb, avec son patio andalou, son salon en zelliges, les tuiles vernissées des toits, la porte impressionnante, une architecture à la fois moderne et traditionnelle qui nous rappelle quotidiennement notre identité culturelle et nos racines. « On peut quitter le Maroc mais le Maroc ne nous quitte jamais » conclut le diplomate qui mettra en avant toute la richesse du programme de rénovation et de continuité. Un programme qui sera décliné dans ce lieu hors du commun grâce à l’équipe de la Maison du Maroc avec son directeur des affaires culturelles Mohamed Baddiche, impliqué à fond dans ce projet collectif et qui donnera le meilleur de lui.
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