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24 novembre 2024
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Les BRICS et l’élargissement du Conseil de Sécurité des Nations Unies : Une bataille féroce en perspective

Par Hassan Hami
Les BRICS ont été sous les feux de la rampe, pour reprendre une expression à la mode. L’expansion de ce groupement et l’adhésion de nouveaux membres ont accaparé l’attention des politiciens et des experts.
Les néophytes en géopolitique n’ont pas été en reste. Si la demande d’adhésion coulait de source pour certains, elle en a été autrement pour d’autres. Il en est ainsi de ceux qui ont en fait une question de vie et de mort ou un fonds de commerce. Il est vrai que l’échiquier politique qui caractérise ces derniers est le théâtre prisé de toutes les surprises et contrecoups.
Les BRICS seraient-ils une nouvelle configuration géopolitique pouvant damer le pion aux États-Unis pour mettre fin à sa domination voire hégémonie sur le monde ? Seraient-ils capables dans les deux décennies à venir à gêner le dollar qui demeure la principale monnaie d’échanges des matières premières stratégiques et changer ainsi les règles des commerces et des finances internationales ? Or, comment les membres influents au sein de ce groupement peuvent-ils nuire à la suprématie américaine alors qu’ils s’inscrivent dans une logique capitaliste indéniable de par leurs ambitions en matière de commerce et de finances ?
Je ne vais pas trop épiloguer sur les BRICS en tant que tels, mais j’insisterai sur deux dynamiques qui en résultent. D’une part, les relations de ce groupement avec les organisations régionales auxquelles les membres appartiennent respectivement et d’autre part, sur la course programmée pour s’assurer un soutien tangible en prévision de l’élargissement du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Je me hasarderais à confectionner un adage en disant que : « Une marmite chaude est froide pour les néophytes et elle est toujours chaude pour ceux qui la maintiennent chaude. » Les BRICS sont parties d’une configuration théorique qui se voulait une mise en garde à l’hégémonie unilatéraliste et à l’incohérence des partisans du multilatéralisme à tout crin.
Contrairement à l’idée répandue selon laquelle les initiateurs des BRICS en faisaient, au départ, une arme contre l’hégémonisme américain, le fait est que les quatre premiers fondateurs (Russie, Chine, Inde et Brésil) cherchaient avant tout à marquer leurs espaces géopolitiques immédiats. La crise financière internationale de 2008 leur a donné un argument de plus pour s’y exercer. Cependant, la motivation principale a été de ne pas perdre au change dans un système international en transition difficile.
En réalité, les BRICS sont la conséquence, entre autres, d’ambitions légitimes de se repositionner sur les échiquiers politiques et économiques régionaux. Ils traduisent une série de déceptions enregistrées dans les alliances traditionnelles basées sur l’idéologie comme moteur de propulsion en vue de réaliser des équilibres de puissances dynamiques mais contrôlés.
BRICS et parité stratégique : La conservation d’une emprise relative sur les espaces vitaux régionaux.
Les déceptions ont été contagieuses ; c’est ce qui explique la ruée nerveuse de nombreux pays appartenant à des espaces géopolitiques variables vers les BRICS en présentant leurs candidatures d’adhésion. Cette ruée rappelle celle des pays orphelins de la Guerre froide qui se sont trouvés en fin de compte face au mur et laissés-pour-compte.
Un certain nombre d’observations s’imposent. Premièrement, les BRICS (qui devraient choisir un autre acronyme en raison des nouvelles invitations d’adhésion) sont un groupement hétérogène de par la composition, la culture politique et diplomatique et les préférences de ses membres. Il ne s’agit pas d’une organisation internationale avec une charte définissant les droits et obligations des membres.
Deuxièmement, bien qu’il revête une dimension économique et financière, le groupement des BRICS nourrit des ambitions géopolitiques indéniables. Si bien que la dernière expansion du groupe laisse apparaître un souci clair d’impacter les routes maritimes et repères stratégiques (Canal de Suez, détroit de Bab Al-Mandab, détroit d’Ormuz, détroit de Malacca et détroit de Magellan). Cependant, ces ambitions sont inscrites dans la durée, et ne pourront se traduire effectivement sur le terrain que pendant les deux à trois prochaines décennies.
Troisièmement, à moins de garde-fous raisonnables, la composition présente et future des BRICS comporte déjà les germes de son essoufflement potentiel. L’un des écueils qui ne tarderont pas à surgir est la hiérarchie des acteurs et la règle du consensus qui gouverne les relations entre ses membres. La Russie, la Chine et l’Inde, qui sont déjà membres influents dans d’autres organisations régionales telles que l’Organisation de Coopération de Shanghai, utiliseront leur pouvoir pour affermir leur ascendance économique et politique sur le BRICS. Avec l’adhésion de l’Iran, l’autre membre de l’OCS, la situation ne sera que plus complexe.
La même observation est valable pour le Brésil et l’Argentine, membres influents au sein du MERCOSUR. Si la sélection de l’Argentine a été motivée par l’argument de la sécurité alimentaire, le rôle du Brésil dans cette sélection a un autre motif encore plus pragmatique et plus subtil, comme on le verra en examinant la question de la réforme du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Quatrièmement, l’explication selon laquelle la philosophie derrière la constitution des BRICS serait de réaliser des équilibrages géopolitiques par l’admission de pays qui ont des conflits endémiques est séduisante, mais elle ne peut survivre aux confrontations épistolaires à long terme.
Car, d’une part, si pour des pays comme la Chine ou l’Inde, la logique est plutôt mercantile, il en va autrement pour la Russie et l’Afrique du Sud par exemple. Et la situation sera encore plus préoccupante avec les nouvelles adhésions. D’autre part, l’agenda de la plupart des membres actuels et futurs est foncièrement intranational.
Une opinion contraire ne saurait se justifier parce que la candidature d’un pays comme l’Indonésie n’a pas été retenue. Un diplomate très au fait des affaires asiatiques est d’avis que l’Indonésie est déjà à l’aise au sein de l’ASEAN et préférerait se concentrer sur cette région prometteuse qui constitue une option géopolitique intéressante dans le cadre d’espaces encore plus prometteurs tels que celui de l’Asie-Pacifique. Mais, l’Indonésie aurait été conservée pour une adhésion future aux BRICS.
Cependant, l’ASEAN risque de voir ses ambitions géopolitiques régionales limitées par une éventuelle ruée de ses membres à rejoindre les BRICS. Le Vietnam est déjà sur la liste des candidats. Mais la Malaisie, le Singapour, les Philippines ou la Thaïlande sont susceptibles de nourrir les mêmes ambitions.
Cinquièmement, la règle de l’unanimité adoptée pour la sélection de nouveaux membres est une source de tensions futures. Dans les sous-systèmes régionaux réputés pour être le théâtre de conflits endémiques, le véto de l’un des membres des BRICS est susceptible d’empêcher l’adhésion de nouveaux membres. Tel pourrait être le cas d’une demande éventuelle d’adhésion émanant du Pakistan. Elle pourrait être bloquée par l’Inde ou la Chine, en raison de leurs positions dichotomiques au sujet du Jammu-Cachemire. De même que le souvenir des guerres entre la Chine et l’Inde ne sont pas prêtes à être effacés de la mémoire collective des deux pays.
Sixièmement, les États-Unis ont laissé faire, croirait-on, parce qu’ils n’auraient pas eu le choix. Cette explication est tirée par les cheveux dans la mesure où Washington opte pour la politique de l’observation à distance. Ils ambitionnent de réaliser trois objectifs au moins. Le premier objectif, pour l’instant, serait de tirer les oreilles des Européens qui se sont livrés à un double jeu nuisible aux intérêts américains en direction de la Russie et de la Chine.
Le deuxième objectif serait de profiter de l’euphorie des nouveaux membres des BRICS pour la conclusion d’un nouvel accord nucléaire avec l’Iran. Téhéran y serait ouvert, même au plus haut sommet de l’État.
Le troisième objectif serait de jouer sur le temps, étant convaincus que les demandes d’adhésion aux BRICS fuseraient dans l’arène. De ce fait, la prolifération des membres serait un handicap à la consolidation du rôle des BRICS au sein du système international en transition.
Preuve en est que les États-Unis ont adopté la même démarche, au lendemain de la décomposition de l’URSS et du déclenchement du processus de Maastricht conduisant à la création de l’Union européenne en 1993.
Par ailleurs, la plupart des pays aspirant à devenir membres des BRICS se place dans la logique du non-alignement qui a fait son temps. Les plus réalistes d’entre eux se placent dans la logique d’un monde multipolaire où l’équilibre de puissance serait atténué dans certaines zones-problèmes, bien qu’il ne puisse disparaître pour de bon.
(*) Hassan Hami : Géopolitologue et ancien ambassadeur

Maroc diplomatique

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