Des journalistes algériens ont commenté les récents événements autour du gel des opérations commerciales entre l’Algérie et l’Espagne. Après quelques jours de crise diplomatique transformée en crise économique, l’Algérie a fait un double rétropédalage qui montre qu’elle « ne peut pas effrayer l’Union européenne », indiquent les journalistes algériens. Cependant, moins de 48 heures après l’annonce du dégel, un autre revirement de situation s’annonce.
« Vous vous êtes agenouillés devant le Royaume d’Espagne« , a tonné le journaliste algérien Chawki Benzahra dans une vidéo publiée sur Youtube dans laquelle il explique les dessous de la récente décision des autorités algériennes de revenir en arrière sur le blocage du commerce avec l’Espagne.
En juin, une note de l’Association des banques et établissement financiers (Abef) avait annoncé aux banques commerciales la suspension des domiciliations pour les transactions de et vers l’Espagne. L’annonce de ce gel, des importations et exportations, n’a pas été faite par voie officielle algérienne mais les responsables espagnols eux, l’ont confirmée.
« A l’issue de l’évaluation du dispositif », relatif au gel du commerce extérieur avec l’Espagne, et « en concertation avec les acteurs concernés du commerce extérieur, les mesures conservatoires citées en objet ne sont plus de mise », a écrit l’Abef dans une nouvelle note fin juillet, sonnant la fin de ces restrictions, encore une fois sans annonce officielle.
Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que ces informations fassent l’objet de vives critiques chez les observateurs, notamment journalistes algériens, qui dénoncent non seulement le fait qu’il s’agisse d’une association professionnelle qui annonce une décision des autorités algériennes, mais qu’en plus, que seulement quelques jours après, il y ait un retour en arrière dans cette décision.
Car moins de 48 heures après, dans un retournement de situation inattendu, c’est l’agence de presse algérienne officielle, cette fois, qui fait une annonce. La dépêche de l’APS, remet en doute le contenu de la note de l’Abef, alors qu’elle ne l’avait pas fait la première fois qui annonçait le gel.
« Les allégations colportées, en ce moment, par certains médias sur une prétendue reculade de l’Algérie concernant ses relations commerciales avec l’Espagne sont erronées, car aucune information officielle n’a été rendue publique à ce sujet par les autorités ou les institutions compétentes », a écrit l’agence.
« Les décisions concernant les questions financières et commerciales qui engagent l’Etat sont prises en Conseil des ministres, par le ministère des Finances ou par la Banque d’Algérie et sont annoncées par les canaux officiels », indique l’agence, qui ajoute que les décisions d’ordre économique, notamment celles relatives aux relations avec des pays étrangers « relèvent des prérogatives exclusives de l’Etat, et non pas des organisations professionnelles, telle que l’Association des banques et établissements financiers (Abef) ».
Et l’agence de tancer: « L’Abef, à laquelle font référence ces médias, ne peut se substituer aux institutions de l’Etat qui ont en charge les finances, l’économie et le commerce extérieur. Elle est une association à caractère professionnel et défend les intérêts de ses adhérents ».
Ce rétropédalage parvenu de l’agence de presse officielle, ne comprend aucune déclaration d’un officiel algérien. Il fait suite à des critiques ayant remis en cause la gouvernance de l’Algérie et sa crédibilité devant la communauté internationale.
« +Le Nif (la fierté mal placée, ndlr) et l’échec+, ou encore +l’eau et le pain et l’arrogance+, ce sont ça les slogans qu’on nous répète chez le régime algérien », a déclaré le journaliste en critiquant la décision de dégel des opérations commerciales entre Alger et Madrid.
Pour rappel, la crise que le régime algérien a déclenchée avec l’Espagne revient à une position prise par Madrid dans le dossier du Sahara. Le pays ibérique a décidé de manière souveraine et dans une position d’Etat, qu’il soutenait le Maroc en consacrant la proposition d’autonomie comme la solution la plus à même de mettre un terme au différend régional autour du Sahara.
« L’Espagne a pris une position dans le dossier du Sahara et l’Algérie a dit +le nif et l’échec+, on coupe les relations commerciales, on arrête l’exportation et l’importation de ce pays, et ce n’est pas un problème si on perd », a déclaré le journaliste, en se demandant où sont ces grands discours et ces prises de positions radicales.
« A présent on voit que j’avais raison lorsque j’ai qualifié cette attitude de +misère et d’arrogance+ et qu’ils allaient se casser la figure un jour ou l’autre, c’est ce qui s’est passé », a-t-il ajouté.
Chawki Benzahra avait estimé que ce revirement de situation, alors que l’Algérie espérait faire pression sur l’Espagne afin qu’elle revienne sur sa position sur le Sahara, « est une autre catastrophe pour l’image de l’Algérie et de son honneur. Ils (le régime algérien) nous rabaissé le nez par terre, ils ont passé la serpillère avec la réputation de l’Algérie à cause de l’idiotie de régime et de sa folie ».
« Ils n’ont même pas été capables de copier nos voisins, alors imaginez lorsqu’ils veulent copier une puissance régionale comme la Russie », s’est-il étonné, en faisant référence à la crise diplomatique entre Rabat et Madrid, déclenchée à la suite de l’accueil en Espagne sous une fausse identité et en cachette, du chef de la milice séparatiste sahraouie financée par l’Algérie.
Le Maroc qui avait découvert l’affaire, avait alors exigé des explications de l’Espagne, et s’en est suivi une crise diplomatique d’un an, qui s’est réglée par une reconnaissance de la part de Madrid de la souveraineté du Maroc sur son Sahara, pour prouver qu’il n’y avait pas de connivence avec Alger contre Rabat.
L’Algérie qui voulait imiter la crise Rabat-Madrid pour imposer à l’Espagne de revenir sur sa décision, n’a pas réussi et c’est elle-même qui a dû revenir sur sa décision de bloquer les échanges commerciaux avec le pays ibérique. Le journaliste Benzahra a souligné en ce sens que « l’Algérie s’est ridiculisée et a entaché son image après ce rétropédalage en quelques jours ».
« J’ai toujours dit que cette décision n’avait pas de sens, et qu’il ne fallait pas mélanger la diplomatie, la politique et l’économie, ces deux choses ne se mélangent pas… Ils (les dirigeants algériens, ndlr) prennent la décision de couper les relations commerciales puis reviennent sur cette décision, mais cela n’a produit aucun effet sur l’Espagne. Elle n’a absolument pas changé de position sur le Sahara », a-t-il dit.
Et d’expliquer les répercussions de cette décision sur le fonctionnement des institutions en Algérie, en soulignant qu’il y a eu des problèmes notamment, au niveau de l’approvisionnement des médicaments et de certaines denrées alimentaires.
« Il y a eu un pénurie de médicaments en Algérie à cause du blocage d’importations d’Espagne, parce que même ces médicaments fabriqués en Algérie, sont issus des matières premières importées d’Espagne! Tout vient d’Espagne », a affirmé Benzahra.
Et d’ajouter que même le prix des bananes est lié à la crise avec l’Espagne. « Le prix le plus élevé pour un kilo de bananes dans le monde vous le trouverez en Algérie. Ça coute 7 dollars le kilo. C’est un pays anormal ».
Une version corroborée par le journaliste Abdou Semmar dans une vidéo, également publiée sur Youtube. « L’Algérie ne peut pas remplacer en deux ou trois mois près de 2 milliards d’euros de produits espagnols par d’autres fournisseurs. Ce n’est pas possible, ce sont de nouveaux contrats qu’il faut négocier, de nouveaux deals, des circuits logistiques à mettre en place, c’est très compliqué », dit-il, en soulignant qu’actuellement le monde est soumis à une grande concurrence et à l’inflation des matières premières, dont les produits nécessaires à la fabrication de médicaments.
« Ils te disent que l’Algérie produit 70% des médicaments qu’elle consomme. C’est faux! Parce que la matière première pour fabriquer ces produits est totalement importée », en l’occurrence d’Espagne, poursuit Semmar, notant: « Nous sommes un nain économique, le pétrole et le gaz ne suffisent pas pour effrayer l’Union européenne. Nous ne sommes pas la Russie ».
Abdou Semmar, avait estimé de son côté que le rétropédalage de l’Algérie sur sa décision de gel des opérations commerciales « était attendu, c’était annoncé par Algérie Part depuis le mois de juin, nous avions dit que l’Algérie ne tiendra pas longtemps dans ce bras de fer contre l’Union européenne et contre l’Espagne » et que « les autorités algériennes ont reculé, ont compris l’absurdité de leurs décisions ».
Il explique que cette décision en particulier n’avait aucune « logique » car l’Algérie ne fait pas le poids devant l’Espagne et encore moins devant l’Union européenne puisque c’est Alger qui se trouve en situation de dépendance et de faiblesse dans cette équation.
« Ce recul du régime algérien dans ce bras de fer avec l’Espagne devrait nous permettre de tirer des leçons très importante: On n’entre pas dans une guerre si on a pas les moyens de gagner cette guerre. Et on ne mélange pas la politique avec le business », affirme-t-il.
« Toi (en référence à l’Algérie, ndlr), tu n’as pas de production nationale, tu n’as pas d’indépendance économique, tu n’as pas d’indépendance dans plusieurs secteurs comme le secteur des médicaments (…) Nous n’avons pas de souveraineté alimentaire, nous avons besoin des céréales de l’Union européenne, nous avons besoin des produits agricoles, des médicaments, des machines, des voitures et des équipements industriels de l’Union européenne« , énumère le journaliste.
« On ne peut pas entrer en guerre contre l’Union européenne alors que nous-mêmes n’avons pas d’économie. Ce n’est pas logique », poursuit-il.
Après ce deuxième rétropédalage, le journaliste algérien s’est dit « choqué » dans une nouvelle vidéo dans laquelle, il affirme « ne pas comprendre suHespressr quel pied danse l’Algérie » affirmant que l’agence algérienne « ruine la crédibilité morale de l’Etat algérien ».
Hespress