C’est une mise en garde du président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina. L’Afrique doit se préparer à l’inéluctabilité d’une crise alimentaire mondiale. Selon lui, le triplement du coût des engrais, l’envolée des prix de l’énergie et l’explosion du prix du panier de la ménagère pourraient s’aggraver sur le continent dans les mois à venir. La BAD note que 90% des 4 milliards de dollars d’exportations de la Russie vers l’Afrique en 2020 étaient constitués de blé et que 48% des quelque 3 milliards de dollars d’exportations de l’Ukraine vers le continent étaient constitués de blé et 31% de maïs.
L’Afrique doit se préparer à une crise alimentaire mondiale inéluctable. La mise en garde est du président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina. Le responsable appelle ainsi à prendre «vivement conscience» de l’urgence face à ce qu’il a qualifié d’une convergence exceptionnelle de défis mondiaux pour le continent, ne se produisant qu’une fois par siècle. Selon Adesina, les pays les plus vulnérables de la région ont été les plus durement touchés par les conflits, le changement climatique et la pandémie de la Covid-19, qui ont anéanti bien des progrès économiques et sociaux en Afrique. Selon lui, le continent, dont les taux de croissance du PIB sont les plus faibles, a perdu jusqu’à 30 millions d’emplois à cause de la pandémie. S’agissant de l’impact de la guerre en Ukraine, le président de la BAD a souligné que les impacts s’étendaient bien au-delà de l’Ukraine, dans d’autres parties du monde, notamment en Afrique. Il a rappelé que la Russie et l’Ukraine concentrent 30% des exportations mondiales de blé, dont le prix a pratiquement augmenté de 50% à l’international, atteignant presque le même niveau que lors de la crise alimentaire mondiale de 2008. De même, poursuit-il, les prix des engrais ont triplé et ceux de l’énergie augmenté, alimentant ainsi l’inflation.
Autre alerte d’Adesina, le triplement du coût des engrais, l’envolée des prix de l’énergie et l’explosion du prix du panier de la ménagère qui pourraient s’aggraver en Afrique dans les mois à venir. Il a noté que 90% des 4 milliards de dollars d’exportations de la Russie vers le continent en 2020 étaient constitués de blé et que 48% des quelque 3 milliards de dollars d’exportations de l’Ukraine vers l’Afrique étaient constitués de blé et à 31% de maïs. Pour éviter une crise alimentaire, l’Afrique doit, selon Adesina, rapidement accroître sa production alimentaire. «La BAD est déjà à pied d’œuvre pour atténuer les effets de cette crise alimentaire par le biais de la Facilité africaine d’intervention et d’urgence en cas de crise alimentaire, un mécanisme spécifique que la Banque entend mettre en place pour fournir aux pays africains les ressources dont ils ont besoin pour augmenter la production alimentaire locale et se procurer des engrais», révèle le patron de la Banque panafricaine.
«L’Afrique ne doit pas mendier !»
«Mon principe est simple : l’Afrique ne doit pas mendier. Nous devons résoudre nous-mêmes nos propres défis sans dépendre des autres», a affirmé le patron de la BAD qui évoque au passage les premiers succès obtenus grâce à une initiative innovante de la Banque, le programme phare «Technologies pour la transformation de l’agriculture africaine» (TAAT), portant sur 9 filières alimentaires dans plus de 30 pays africains. À en croire le patron de la BAD, ce programme aura permis d’accroître rapidement la production alimentaire sur le continent, notamment la production de blé, de riz et d’autres cultures céréalières. «Nous joignons le geste à la parole. Nous produisons de plus en plus les aliments que nous consommons.
Notre Facilité africaine d’intervention et d’urgence en cas de crise alimentaire produira 38 millions de tonnes de nourriture», a-t-il estimé. Il a révélé que TAAT avait déjà fourni des variétés de blé tolérantes à la chaleur à 1,8 million d’agriculteurs dans sept pays. Ce qui a permis d’augmenter la production de blé de plus de 1,4 million de tonnes, pour une valeur de 291 millions de dollars. Des variétés résistantes à la chaleur sont désormais plantées sur des centaines de milliers d’hectares notamment en Éthiopie et au Soudan, avec des résultats extraordinaires. En Éthiopie, où le gouvernement a déployé TAAT dans le cadre d’un programme de 200.000 hectares de blé de plaine irrigué, les agriculteurs font état de rendements par hectare multipliés par 4,5 voire 5 fois.
Il a précisé que les semences climato-résistantes de TAAT prospèrent également au Soudan, qui a enregistré la plus grande récolte de blé de son histoire (1,1 million de tonnes de blé) lors de la campagne 2019-2020. Rappelons que le programme TAAT était venu à la rescousse lors de la sécheresse en Afrique australe en 2018 et 2019, en déployant des variétés de maïs tolérantes à la chaleur cultivées par 5,2 millions de ménages sur 841.000 hectares. En conséquence, les agriculteurs ont survécu à la sécheresse au Zimbabwe, au Malawi et en Zambie, permettant à la production de maïs d’augmenter de 631.000 tonnes pour une valeur de 107 millions de dollars.
Les trois leçons à tirer pour l’Afrique
Le président de la BAD estime qu’il y avait trois leçons à tirer pour l’Afrique des défis auxquels elle est actuellement confrontée. D’abord, le continent ne peut plus laisser la sécurité sanitaire de sa population à la bienveillance des autres. Ensuite, il doit envisager les investissements dans la santé différemment et faire du développement d’un système de défense sanitaire une priorité en investissant dans des infrastructures sanitaires de qualité. Enfin, les économies qui sont déjà en train de se redresser doivent créer les conditions budgétaires pour faire face aux défis de la dette.
Le secteur technologique, un débouché pour la jeunesse africaine
Le président de la Banque a sur un autre plan évoqué l’importance de l’émergence du secteur technologique en tant que débouché pour la jeunesse africaine et moteur de croissance du continent. Adesina a décrit la jeunesse de l’Afrique comme l’un de ses plus grands atouts. Il a salué les contributions des jeunes entrepreneurs dans les secteurs de la fintech, du numérique, des arts créatifs et du divertissement. Pour lui, le besoin en financements innovants appelés de leurs vœux par les jeunes entrepreneurs est la raison pour laquelle la Banque explore avec d’autres parties prenantes la création de banques d’investissement spécialisées dans l’entrepreneuriat des jeunes pour libérer le potentiel et la croissance économique.
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Fonds africain de développement : la reconstitution des ressources est urgente
C’est une urgence selon Adesina. Il faut enclencher une forte reconstitution des ressources du Fonds africain de développement (FAD), le guichet concessionnel de la BAD qui soutient les pays africains à faible revenu. Le Fonds a permis de raccorder 15,5 millions de personnes à l’électricité et d’aider 74 millions de personnes à améliorer leur agriculture. De même, le FAD a permis à 50 millions de personnes d’accéder aux transports. À cela s’ajoutent l’aménagement de 8.700 kilomètres de routes et le raccordement de 42 millions de personnes à des installations d’eau et d’assainissement améliorées.
le Matin