En France, le passe sanitaire est devenu indispensable depuis cet été pour accéder à de nombreux lieux publics. Lexa, 25 ans, farouchement opposée à la vaccination, a décidé de contourner les règles en se procurant un faux QR code via les réseaux sociaux. Peu de temps après avoir été frauduleusement enregistrée comme vaccinée, elle est tombée gravement malade du Covid-19.
Même au plus fort de la pandémie de Covid-19 en octobre 2020 en France, alors que le nombre de décès dépassait les 500 par jour, Lexa* n’a jamais vraiment cru aux dangers du coronavirus sur les jeunes. « Pour moi, les formes graves ne touchaient que les personnes âgées. Je pensais que les personnes, comme moi, pouvaient présenter deux ou trois symptômes et c’est tout », confie cette Parisienne de 25 ans à France 24.
Pour Lexa, se faire vacciner n’a jamais été une option envisagée : « Il y a plein de raisons pour lesquelles je ne veux pas. Mais la principale est que je pense que le vaccin n’a pas été suffisamment étudié. Il faut des années pour concevoir un vaccin [sûr], et là ça a été trop rapide. »
« Et de toute façon, je pars du principe que si je dois mourir, je mourrai », ajoute-t-elle, précisant qu’elle est tout à fait prête à accepter les risques liés à cette décision.
Mais lorsque le gouvernement introduit le 9 juin le passe sanitaire pour accéder à des espaces publics tels que les bars, les restaurants et les cinémas, Lexa estime que les autorités vont trop loin. Pour la jeune femme, l’État s’immisce beaucoup trop dans sa vie privée et ses choix personnels.
Ce passe, délivré sous forme de certificat numérique ou papier, prouve en France qu’une personne est soit entièrement vaccinée contre le Covid-19, ou bien qu’elle a été testée négative contre le coronavirus dans les 72 dernières heures.
« Je ne pouvais même pas aller à la salle de sport », raconte Lexa, frustrée, alors qu’elle s’était lancée dans un ambitieux programme de perte de poids pour tenter de se débarrasser des kilos pris durant les trois confinements décrétés en France.
Une rendez-vous en pleine nuit
C’est alors que l’application de messagerie instantanée Snapchat lui offre soudainement une « porte de sortie ». « Une de mes amies m’a dit qu’elle connaissait quelqu’un à la Sécurité sociale qui pouvait vendre un ‘vrai’ passe sanitaire, alors j’ai ajouté cette personne à mes contacts Snapchat ». Peu après, Lexa dit avoir reçu au moins 10 suggestions d’amis, parmi lesquels des employés d’agences gouvernementales ou encore des médecins, vendant eux aussi les fameux passes sanitaires frauduleux.
« Quand vous commencez à chercher, vous vous rendez compte qu’il y en a plein qui le font », dit-elle à propos des receleurs du faux sésame. Certains d’entre eux prennent des précautions et lui demandent de leur « snaper » une photo d’elle en temps réel « pour vérifier » qu’elle n’est pas « de la police », relate la jeune femme.
Les faux passes sanitaires sont sévèrement punis en France. Ceux qui les diffusent risquent jusqu’à 75 000 euros d’amende et cinq ans de prison, et les acheteurs jusqu’à 45 000 euros d’amende et trois ans de prison.
Mais cela n’effraie pas Lexa, qui se décide à franchir le pas, accompagnée par sa sœur et son beau-frère, eux aussi intéressés par des QR codes frauduleux. La jeune femme décide finalement de s’adresser à un vendeur qui semble offrir le meilleur prix du marché : 250 euros par pièce.
Après avoir fourni à l’intéressé les noms, les dates de naissance et les numéros de sécurité sociale, Lexa et ses proches reçoivent un message du receleur qui leur donne rendez-vous en pleine nuit pour la transaction. « Le type a rencontré mon beau-frère dans une voiture et lui a demandé de monter avec lui côté passager pour lui remettre l’argent et il est parti. Trois jours plus tard, nous avons reçu des liens vers nos passes sanitaires sur WhatsApp. »
Abasourdis par Covid-19
Quelques semaines après avoir acheté ce passe, Lexa, qui, grâce à ce document, avait enfin pu reprendre ses entraînements de gym, a soudainement été frappée de vertiges. « J’étais dans la salle de sport, en train de faire du vélo d’intérieur et ma tête s’est mise à tourner. Tellement que j’ai dû m’arrêter. Ensuite, quand j’ai descendu les escaliers, j’avais tellement de vertiges que je pouvais à peine me tenir à la rampe. »
Un test PCR a révélé que Lexa avait été infectée par le coronavirus. Elle a commencé à en présenter tous les symptômes : fièvre, douleurs musculaires, maux de tête, perte du goût et de l’odorat et difficulté à respirer. Les jours suivants se sont passés dans le brouillard pour la jeune femme. « J’étais KO. Je ne pouvais presque pas me déplacer. À chaque phrase, j’étais obligé de reprendre ma respiration », se souvient-elle. Elle garde encore quelques séquelles de cet épisode. Un mois après s’être remise du Covid-19, elle n’a toujours pas retrouvé le goût et l’odorat. « Je dirais que je suis à 15 % de ce que je ressens habituellement ».
Prisonnière de son mensonge
L’expérience a refroidi Lexa, qui dit avoir changé d’avis sur la gravité du Covid-19. « Cela m’a vraiment touchée, j’ai été très surprise. Je n’ai pas l’intention de faire de l’alarmisme en disant que c’est super dangereux [pour les jeunes], mais si vous avez plus de 40 ans ou si vous avez un autre type de pathologie, je pense que ça l’est », déclare la jeune femme, avant d’ajouter : « cela aurait probablement tué ma mère qui a un problème cardiaque ».
Toutefois, Lexa n’a pas changé d’avis sur la vaccination. « Non, cela me fait toujours peur », répète-elle. Quand bien même, la Parisienne est coincée. Même si elle fait marche arrière, elle est déjà enregistrée en tant que « vaccinée ». Alors si elle souhaite un jour profiter d’une vaccination contre le Covid-19, elle devra se confier à un professionnel de santé, qui sera ensuite obligé de signaler la fraude.
La France se targuait mercredi 29 septembre d’une couverture vaccinale de 83,8 %, avec 48,34 millions de Français enregistrés comme pleinement vaccinés. Un des meilleurs scores en Europe. Mais Lexa ne croit pas à ces chiffres. « Je connais une dizaine d’autres personnes qui ont acheté de faux passes sanitaires, donc pour moi ces statistiques ne veulent rien dire. »
*Le prénom a été changé
Cet article a été traduit de l’anglais, cliquez ici pour le lire en version originale