Après la crise diplomatique que l’ancien-nouveau ministre algérien des Affaires étrangères vient de créer avec le Maroc, le régime algérien, qui n’a évidemment pas réussi à créer un front intérieur, a choisi de faire monter les enchères. Il vient de rappeler son ambassadeur à Rabat.
«L’Algérie a décidé de rappeler son ambassadeur à Rabat pour consultation avec effet immédiat». Cette annonce vient d’être faite par l’agence de presse officielle algérienne (APS) ce dimanche après-midi, 18 juillet 2021.
Une telle décision a fait l’objet d’un nouveau communiqué laconique du ministère algérien des Affaires étrangères, ainsi libellé: «dans la déclaration du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, rendue publique le 17 juillet 2021, il a été indiqué que l’Algérie attendait du Royaume du Maroc qu’il clarifie sa position définitive sur la situation d’une extrême gravité créée par les propos inadmissibles de son ambassadeur à New York. Depuis lors, et en l’absence de tout écho positif et approprié de la partie marocaine, il a été décidé aujourd’hui le rappel, avec effet immédiat, pour consultations, de l’ambassadeur d’Algérie à Rabat, sans préjudice d’autres mesures éventuelles en fonction de l’évolution de cette affaire».
Ces nouveaux développements interviennent dans un contexte où le régime, aux prises avec une grogne populaire sans précédent, car aussi vaste que l’étendue géographique du pays, tente vainement de créer un front intérieur en sonnant la mobilisation contre le Maroc, suite à la crise diplomatique que Ramtane Lamamra a réussi à fomenter dès la première semaine de son retour aux affaires.
Seuls les journaux aux ordres et de rares chapelles politiques qui se comptent sur les doigts d’une seule main, elles aussi largement contestées comme le démontrent leurs minuscules scores aux législatives du 12 juin dernier, ont répondu à l’appel désespéré du régime.
Ainsi, selon l’agence de presse officielle algérienne, dans une dépêche datée du samedi 17 juillet, «plusieurs partis politiques ont dénoncé la distribution par la représentation marocaine à New York d’une note officielle aux pays membres du Mouvement des Non-Alignés dans laquelle elle soutient le prétendu droit du peuple kabyle à l’autodétermination».
Pour tenter de gonfler à bloc d’éventuels soutiens, le Maroc est même accusé d’avoir commis en l’espèce un «acte terroriste» contre l’Algérie. «La classe politique a dénoncé, samedi, le recours du régime marocain, par le biais de sa représentation à New York, à la distribution d’une note aux pays membres du Mouvement des Non-Alignés au contenu « provocateur » et « haineux », qualifiant cette démarche d' »acte terroriste » contre l’Algérie», relaie la dépêche de l’APS.
Pourtant, sur la quinzaine de partis qui ont participé aux récentes élections organisées par le régime, quatre partis seulement se sont exprimés, à savoir bien évidement le Front de libération nationale (FLN, en cours d’implosion définitive), le Rassemblement national démocratique (dont le fondateur Ahmed Ouyahia est en prison), le Parti de la liberté et la justice (2 sièges au Parlement) et le mouvement El Bina d’Abdelkader Bengrina, connu pour ses insultes racistes contre les Kabyles. D’ailleurs ce dernier «particule» s’est vu attribuer, pour sa première participations à des législatives, quelque 39 sièges en guise de récompense pour sa campagne électorale haineuse à l’égard du peuple kabyle.
L’ambassadeur permanent du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, ne s’est donc pas trompé, lui qui a distribué, jeudi dernier, une note aux membres du Mouvement des non-alignés, où il reconnait le «droit à l’autodétermination du peuple kabyle» qui subit «la plus longue occupation étrangère». Cette riposte, au sens diplomatique du terme, qualifiée par le régime algérien de «dérive particulièrement dangereuse de la diplomatie marocaine», est pourtant corroborée par les faits concrets. Car la Kabylie est réellement mise à l’écart du reste de l’Algérie par le régime central lui-même. Les exemples les plus récents sur cette situation sont édifiants.
D’une part, la loi sur l’interdiction des manifestations sur la voie publique, activée et appliquée depuis mai dernier par les autorités algériennes, est en vigueur sur tout le territoire algérien à l’exception de la Kabylie. Dans cette dernière région, les manifestations du Hirak continuent à être régulièrement et massivement organisées chaque vendredi. Drapeaux amazigh et kabyle, slogans «Istiqlal, Istiqlal!» («indépendance, indépendance!») ou ceux qualifiant les généraux Khaled Nezzar, Mohamed Médiène, dit «Toufik», et leur supplétif Saïd Chengriha, actuel chef d’état-major de l’armée, de «colonisateurs» et de «fils de Bigeard» sont autant de signes qui prouvent clairement l’autonomie morale, sociale, populaire et politique de la Kabylie vis-à-vis du reste du pays.
D’autre part, lors des trois élections qui se sont successivement déroulées en Algérie ces deux dernières années, qu’il s’agisse de la présidentielle de décembre 2019, du référendum constitutionnel de novembre 2021 ou des législatives de juin 2021, le taux de participation en Kabylie n’a jamais dépassé 0,8%, dans un pays où plus de 24 millions de citoyens sont inscrits sur les listes électorales. Non seulement, l’actuel président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a pratiquement récolté zéro voix en Kabylie, mais les quelque trois dizaines de députés représentant la Kabylie à l’assemblée nationale algérienne ont été élus, le 12 juin dernier, avec un taux de participation qui n’a pas dépassé 0,7 % dans les deux grandes villes de la région, à savoir Tizi Ouzou et Bejaia. Dans cette dernière circonscription, qui frôle les 600.000 inscrits sur sa liste électorale, un député a même réussi la performance de décrocher un siège au Parlement en étant élu avec seulement… 6 voix.
La déclaration de Omar Hilale sur la Kabylie n’est donc qu’un faux alibi utilisé par le régime algérien pour tenter de récupérer la rue algérienne, dont la colère ne cesse de s’amplifier, transformant l’Algérie en véritable poudrière. Dans le sud du pays, le chômage, la misère sociale et la mal-vie ont fait sortir dans la rue des milliers de jeunes, dont certains ont bloqué plusieurs routes du pays, particulièrement à Ouargla.
A Alger même, la crise de l’eau potable a fait monter d’un cran la colère des habitants de la capitale. Depuis jeudi dernier, des manifestants bloquent, surtout dans les quartiers populaires qui manquent de tout, de nombreuses voies de circulation pour attirer l’attention sur leur calvaire.
Le retour de Ramtane Lamamra trouve ainsi toute son explication. En n’ayant qu’une seule fixation, celle de l’ingérence dans les affaires marocaines à travers le dossier du Sahara, sa nouvelle mission est claire: provoquer une crise diplomatique avec le Maroc sur laquelle pourrait surfer le régime algérien aux abois. En une seule semaine, Lamamra a évoqué le Sahara marocain en trois occasions différentes.
Le jeudi 8 juillet dernier, jour de sa prise de fonctions au ministère algérien des Affaires étrangères, il a déclaré tout de go que «les conflits existants, en l’occurrence celui du Sahara occidental et la crise libyenne, influent sur l’action d’unification des rangs et le bond vers l’intégration et l’unité escomptées».
Six jours plus tard, le mercredi 14 juillet, en visioconférence devant la réunion ministérielle du Mouvement des non-alignés consacrée aux défis face à la pandémie de Covid-19, il a encore introduit le dossier du Sahara en parlant d’un «conflit» militaire inexistant, et d’une prétendue «autodétermination du peuple de la république sahraouie, membre fondateur de l’Union africaine».
Puis, deux jours plus tard, le vendredi 16 juillet, son département a commis un communiqué pour réagir au droit de réponse qui lui a été administré par l’ambassadeur permanent du Maroc à l’ONU, Omar Hilale. Or ce dernier, et contrairement à ce que craignent certains opposants au régime algérien, n’a livré ni du pain béni, ni une bouée de sauvetage au régime algérien. Il n’a fait que lui montrer qu’il doit balayer devant sa propre porte avant de s’ingérer dans les affaires internes des autres pays. Omar Hilale a rappelé à la junte militaire qui dirige l’Algérie que le principe d’autodétermination ne peut se respecter que s’il s’applique chez soi. Le MAK, Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, fondé par le militant pacifiste, fils d’un vrai moudjahid, Ferhat Mehenni, mérite d’être soutenu internationalement.
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