L’histoire judiciaire de Tariq Ramadan prend un tournant décisif. L’islamologue suisse, figure centrale mais controversée, vient d’être condamné en appel par la justice genevoise pour viol. Accusé par une femme, connue sous le pseudonyme « Brigitte », Ramadan écope d’une peine de trois ans de prison, dont un an ferme, pour des faits remontant à la nuit du 28 au 29 octobre 2008 dans un hôtel de Genève.
Ce verdict, qui annule l’acquittement prononcé en première instance, marque une étape importante dans cette affaire qui a profondément divisé l’opinion publique. Le premier procès de Tariq Ramadan, tenu en mai 2023, avait pourtant abouti à un acquittement au bénéfice du doute. À l’époque, le Tribunal correctionnel de Genève avait jugé que les éléments présentés par l’accusation étaient insuffisants pour condamner l’islamologue. Des témoignages contradictoires et des « messages d’amour » envoyés par la plaignante après les faits présumés avaient jeté le trouble. Mais le procès en appel, qui s’est déroulé en mai 2024, a bousculé cette première évaluation des faits.
La Chambre pénale d’appel et de révision a, cette fois, retenu plusieurs témoignages, notes médicales et expertises privées, tous concordants avec les accusations de « Brigitte ». L’arrêt qualifie les actes de Ramadan de « très graves », soulignant que l’islamologue aurait imposé à sa victime des actes sexuels brutaux et violents. En outre, les juges ont pointé du doigt l’absence totale de regrets de la part de l’accusé, qui a persisté à nier les faits et à tenter de discréditer la victime.
La plaignante : une décennie de silence brisée
L’histoire de « Brigitte » est celle d’une longue bataille silencieuse. Convertie à l’islam, cette femme dans la quarantaine à l’époque des faits avait rencontré Tariq Ramadan lors d’une séance de dédicaces. S’en était suivie une correspondance privée, avant que la situation ne bascule dans la chambre d’hôtel genevoise. Dix ans après, encouragée par d’autres plaintes déposées en France contre Ramadan, elle décide de sortir du silence et de porter plainte.
Lors du procès, « Brigitte » a témoigné des actes violents et humiliants qu’elle aurait subis cette nuit-là. Des coups, des insultes et une emprise psychologique forte, que les juges ont comparée à un « syndrome de Stockholm ». Ses avocats, Robert Assaël et Véronique Fontana, ont salué la victoire judiciaire de leur cliente, soulignant sa résilience face à un adversaire de taille. « La vérité a enfin triomphé », ont-ils déclaré après l’annonce du verdict.
Tariq Ramadan a bénéficié d’une réduction de peine en raison du temps écoulé depuis les faits. Les juges ont également tenu compte de son état de santé fragile, lié à sa sclérose en plaques. Ainsi, sa peine de prison ferme a été allégée de six mois. Face à cette condamnation, Tariq Ramadan et ses avocats ne baissent pas les bras. Me Yaël Hayat et Me Guerric Canonica ont d’ores et déjà annoncé leur intention de se pourvoir en cassation devant le Tribunal fédéral, espérant que la plus haute instance judiciaire suisse annulera cette décision. Selon eux, Ramadan reste innocent et victime d’un piège orchestré pour ternir sa réputation. Ce recours sera examiné dans les prochains mois, mais pour l’heure, l’islamologue est bel et bien sous le coup de cette condamnation.
Des accusations qui s’accumulent
Le calvaire judiciaire de Tariq Ramadan ne s’arrête pas là. En France, il fait face à des accusations encore plus lourdes. Trois femmes l’accusent de viol, pour des faits présumés commis entre 2009 et 2016. Ces affaires, également très médiatisées, ont profondément affecté la carrière de l’islamologue, autrefois adulé pour ses prises de position théologiques et philosophiques. Alors que son équipe juridique conteste le renvoi de ces affaires devant la Cour criminelle de Paris, il semble de plus en plus isolé, à la fois sur le plan judiciaire et dans le paysage médiatique européen.
Tariq Ramadan, 62 ans, autrefois perçu comme un leader charismatique et intellectuel respecté de l’islam en Europe, voit aujourd’hui son image profondément écornée. Ses prises de position progressistes, qui lui avaient valu l’admiration de nombreux jeunes musulmans à travers le monde, sont aujourd’hui noyées sous le poids des accusations. Condamné en Suisse et poursuivi en France, il fait face à l’un des moments les plus sombres de sa vie. Pour ses soutiens, il reste une victime de cabales politico-judiciaires visant à le détruire. Pour ses détracteurs, il incarne la face sombre d’un homme caché derrière un masque de vertu.
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