Le gouvernement espagnol a accordé à «Brahim Ghali le traitement correspondant à une délégation officielle» pour des raisons de «courtoisie diplomatique internationale». Explications sur ce qui s’apparente de plus en plus à un imbroglio judiciaire.
Ces affirmaions émanent du bureau du procureur de l’Etat, dans un document dans lequel celui-ci demande au juge Rafael Lasala de clore l’enquête qui a été ouverte sur l’ancienne ministre des affaires étrangères, Arancha González Laya, et son ancien chef de cabinet, Camilo Villarino.
Les services juridiques de l’Etat affirment qu’il n’y a plus «le moindre doute» qu’aucun d’entre eux n’a commis les délits de prévarication, de dissimulation et de faux documents qui font l’objet de la procédure.
Ils exhortent donc le chef du tribunal d’instruction numéro 7 de Saragosse à ne pas prolonger «inutilement» l’enquête sur Laya et Villarino afin d’éviter les «conséquences défavorables pour eux».
Dans cette demande de classement de l’affaire, relayée par des journaux espagnols comme La Razon, ABC ou El Mundo, la défense de l’ancienne ministre affirme que «Ghali et son fils» sont arrivés en Espagne le 18 avril 2021 «dans un avion officiel de la présidence algérienne» et «sous la protection de l’accord hispano-algérien en vigueur concernant les survols de l’État».
Sur la base de ces principes, «ils ont été traités comme une délégation officielle (par exemple, en ne percevant pas de taxes d’aéroport)».
Les délégations officielles, soutient la défense de l’ex-ministre espagnole des Affaires étrangères, «ne sont jamais soumises à un contrôle douanier à leur arrivée en Espagne et, en ce qui concerne le contrôle des passeports, elles sont en pratique exemptées de tout contrôle d’identité et ne procèdent, en application de la réglementation Schengen, qu’au compostage des passeports».
Or, dans ce cas précis, en application du code Schengen, «il n’y avait pas lieu de contrôler ni la carte de séjour du fils ni le passeport diplomatique de Brahim Ghali», qui selon ce règlement communautaire était considéré comme «une personnalité étrangère, compte tenu de l’importance qu’il revêt dans l’État demandeur de l’aide humanitaire et de son arrivée dans un avion de cet Etat».
L’Algérie a demandé «par téléphone au plus haut niveau diplomatique» que le gouvernement espagnol accueille «Ghali», une question qui avait été discutée «entre les plus hauts responsables diplomatiques des deux Etats».
Cela signifie donc que l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, s’est entretenu au téléphone sur ce point précis avec l’ancienne cheffe de la diplomatie espagnole, Arancha González Laya. Un témoignage qui confirme donc la complicité de Madrid avec Alger dans ce dossier hautement toxique pour le Maroc.
Derrière la décision de dispenser le chef des séparatistes du contrôle des passeports, selon l’avocate de l’Etat, María del Mar González Bella, il n’y avait aucune intention de dissimuler à la justice l’entrée du «leader du Front Polisario», mais seulement d’éviter que cette information «puisse se retrouver entre les mains de pays tiers».
«La réalisation d’un contrôle de documents à l’aéroport de Saragosse aurait inévitablement conduit à ce qu’un plus grand nombre de personnes soient au courant de cette entrée et, par conséquent, aurait augmenté le risque que les services secrets des pays de l’espace Schengen aient accès à cette information», affirme-t-elle. En tout état de cause, souligne-t-elle, «la discrétion et la réserve dans l’entrée ne peuvent être assimilées à l’illégalité de l’entrée».
«Il est vrai que Brahim Ghali et son fils ont été autorisés à entrer en Espagne sans contrôle des passeports», a reconnu l’ex-cheffe de la diplomatie, «mais pour des raisons humanitaires, légalement, sans violer aucune règle et dans le but légitime de préserver la vie privée et la sécurité de Brahim Ghali et de prévoir les conséquences politiques internationales que la présence de Brahim Ghali en Espagne pourrait avoir».
En tout état de cause, précise l’avocate, «le leader du Front Polisario est reconnu comme un ressortissant espagnol depuis décembre 2004, de sorte que son entrée en Espagne ne pourrait jamais être illégale en soi étant donné son statut de citoyen espagnol».
Il est vrai que le soi-disant président de la RASD est un citoyen espagnol, depuis 2004. Il dispose effectivement d’un passeport espagnol, mais il n’a pas atterri en Espagne avec son identité espagnole, mais avec un passeport diplomatique algérien, et sous le faux nom de Mohamed Benbattouche.
Tant Arancha González Laya que Villarino, affirme-t-elle, «ignoraient l’existence des procédures judiciaires contre Brahim Ghali en Espagne, et il ne pouvait donc y avoir aucune intention de s’y soustraire».
Quant à l’éventuelle falsification de documents (Ghali s’étant inscrit à l’hôpital San Pedro de Logroño avec un faux passeport), le ministère public soutient que ni la ministre ni son chef de cabinet n’ont eu «aucune connaissance ni aucun contrôle sur la manière de son enregistrement à l’hôpital et il n’existe le moindre indice de leur participation».
L’imbroglio de cette entrée illégale en Espagne du chef des séparatistes continue donc d’apporter son lot de révélations embarrassantes pour le gouvernement de Pedro Sanchez. Aujourd’hui, la défense d’Arancha González Laya & Co tend de plus vers une voie de sortie qui ne faisait pas partie des plans initiaux: affirmer que Brahim Ghali est un citoyen espagnol et qu’en tant qu’Espagnol, Madrid ne pouvait lui interdire de rentrer chez lui!
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