Lundi dernier, au Parlement, alors qu’il était censé répondre de l’action de son équipe dans le secteur de l’habitat, le Chef du gouvernement a de nouveau brillé en s’en prenant cette fois à l’opposition. «Les propos qui ne me conviennent pas, je les ignore», a-t-il déclaré avec grande assurance. Sait-il au moins que ses propos dénotent d’un inqualifiable mépris pour une institution législative qui a le droit et le devoir de le contrôler, et que son propre «boulot» est, au contraire, d’en tenir compte?
e Chef du gouvernement ne cessera donc jamais de nous étonner. Les unes après les autres, ce sont toutes les institutions constitutionnelles du pays qui sont en train de passer sous son rouleau compresseur. Celui du mépris. La (nouvelle) scène s’est déroulée lundi 15 juillet en plein hémicycle, alors que Aziz Akhannouch était supposé répondre de l’action de son équipe sur un sujet de la plus haute importance: l’habitat. L’occasion: la séance plénière mensuelle. La séquence est passée inaperçue, mais, à froid, elle se révèle lourde de sens.
Un bon Parlement, c’est un Parlement mort
Au terme d’un échange de près de trois heures, le chef de l’exécutif n’a rien trouvé de mieux à dire comme mot de la fin que de marquer explicitement son dédain envers le Parlement et l’opposition. «Je sais parfaitement ce que je vais entendre ici et là. Mais soyez tranquilles, quand les propos ne me conviennent pas, ils rentrent par une oreille et ressortent par l’autre», a-t-il déclaré. Traduisez: Aziz Akhannouch ne prête aucune attention aux remarques déplaisantes que l’opposition peut lui faire. Comprenez: seuls les propos qui applaudissent l’action du chef de la majorité retiennent l’attention d’Akhannouch.
L’opposition aura donc beau l’interpeller, il n’en fera qu’à sa tête. Face aux cris de protestation exprimés séance tenante, et au lieu de se rattraper ou s’excuser, Akhannouch a enfoncé le clou. «Je dis bien les propos qui ne me conviennent pas. Vous ne voulez quand même pas que je les garde pour moi?», a-t-il réagi, tout sourire.
Ainsi donc, Aziz Akhannouch décline sa propre conception de l’action parlementaire et de l’opposition. Celle-ci ne doit surtout pas… s’opposer. Caresser dans le sens du poil l’exécutif, et surtout son chef, ok! Scander des Ave et des vivats, ça passe. Applaudir à tue-tête, idéalement à coups de youyous, voilà qui est bien. Mais rappeler Akhannouch à ses responsabilités et lui demander des comptes, voilà qui est un comble d’irrespect et d’insubordination. Magnanime, le chef du gouvernement va tout simplement ignorer, zapper.
Le rôle législatif et de contrôle du Parlement, Aziz Akhannouch n’en a que faire. Il veut un pouvoir absolu, total, sans limites. L’idéal pour lui, c’est que le pouvoir législatif, même particulièrement tendre à son égard, soit dévitalisé. Un bon Parlement, c’est un Parlement mort.
De quoi rappeler la série déjà bien riche de dérapages dont le chef de l’exécutif s’est rendu coupable. Il y a le Haut-Commissariat au plan, institution aux chiffres «douteux», parce qu’ils épinglent un taux de chômage élevé. Comme il y a eu le Conseil économique, social et environnemental, à «l’occulte agenda», pour avoir commis l’impardonnable erreur de rappeler l’existence de ces millions de NEET (ni éducation, ni formation, ni emploi) au Maroc. Tout est de savoir quelle sera la prochaine institution sur la liste d’Akhannouch. Le pire est à craindre.
Par Tarik Qattab