Les États du Sahel ont décidé de former une alliance, à l’initiative des militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger afin de coordonner davantage leurs efforts de lutte contre le terrorisme, en particulier dans la zone des « Trois frontières ». Ces trois pays se sont rapprochés à la suite du coup d’État du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) en juillet dernier, ainsi que des menaces d’intervention de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.
Créée le 16 septembre 2023, l’Alliance des États du Sahel (AES) regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger, renforçant ainsi leurs liens et leur solidarité dans le but de lutter contre le terrorisme. Ils sont liés par un devoir d’assistance et de secours en cas d’agression. Cette alliance promet une coopération renforcée entre les forces armées de ces trois pays, qui rassemblent près de 100 000 soldats.
À la suite d’une réunion, les ministres des trois pays ont recommandé aux chefs d’État de l’AES la création d’une confédération regroupant les trois pays, qui préfigurerait la mise en place d’une Fédération regroupant les trois pays sahéliens. Les ministres soulignent être conscients du formidable potentiel de paix, de stabilité, de force diplomatique et de développement économique que cette alliance politique offrirait. Ils ajoutent la nécessité de relever ensemble les défis communs aux trois États. Pour cette raison, ils ont appelé à établir un cadre institutionnel formel pour les relations entre les États du Sahel, à la hauteur des liens déjà existants entre leurs peuples.
Ce pacte de défense mutuelle de l’AES a été signé malgré la menace d’une intervention militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pesant sur les auteurs du coup d’État au Niger. En octobre, le Niger a annoncé une réduction de 40 % de son budget national suite à la suspension des aides budgétaires européennes et américaines, dans un contexte de tensions diplomatiques.
En parallèle de cette coopération, le Mali et le Burkina Faso, sous sanctions de la CEDEAO, avaient menacé d’intervenir aux côtés des putschistes de Niamey. Cette décision, selon certains observateurs, a été considérée comme la cause ayant refroidi les partisans d’une intervention militaire, qui redoutaient une déstabilisation régionale.
Les dirigeants de l’AES sont conscients des menaces pesant sur leurs pays, soumis à des sanctions de la CEDEAO et de la communauté internationale. Ils cherchent à affirmer leurs objectifs en promouvant « l’indépendance, la dignité et l’émancipation économique ». Certains membres de la société civile qui soutiennent les régimes de l’AES dénoncent une intention probable de créer une monnaie commune aux trois États, surtout que l’idée d’une telle monnaie unique commence à germer dans les esprits.
En outre, ce pacte de défense mutuelle entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger représente un pas significatif vers une coopération régionale plus étroite au Sahel. La charte des trois États prévoit initialement la lutte contre le terrorisme, ainsi que l’unification de leurs forces pour atteindre des objectifs communs.
Les visions et les objectifs de cette alliance des trois États dépassent la seule défense militaire ; ils envisagent une coopération politique, économique et sociale. Des analystes pensent que l’avenir de l’Union économique et monétaire des États du Sahel semble prometteur, car elle vise une région plus intégrée et prospère, avec notamment la réalisation de projets d’envergure dans les domaines de l’énergie, des infrastructures, des transports et de la sécurité alimentaire. Cette union pourrait également avoir une influence sur les réformes au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui regroupe huit pays de la CEDEAO et utilise le franc CFA comme monnaie commune (Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire, Togo, Burkina Faso, Niger, Guinée-Bissau et Bénin).
AES, vers une confédération
Récemment, l’AES a décidé de créer sa propre monnaie, appelée « Sahel », afin de se détacher du franc CFA perçu comme un vestige de la colonisation et de la servitude. Malgré cette annonce, des questions et des interrogations subsistent dans les États de l’AES.
Dans ce contexte, les ministres de l’Économie et des Finances, réunis le 25 novembre, ont recommandé la création d’un fonds de stabilisation et d’une banque d’investissement de l’AES. Ils mettent l’accent sur la mise en place d’un comité chargé d’approfondir les réflexions sur l’union économique et monétaire, dans le but d’une coopération régionale plus étroite au Sahel.
En conséquence, les deux pays touchés par cette alliance sont le Tchad et la Mauritanie, après que les trois pays ont quitté l’alliance du G5 Sahel, créée en 2014 pour faire face au terrorisme et aux défis de la sous-région, dans le but de faire du Sahel un espace de sécurité et de développement. Les pays de l’AES ont quitté le G5 Sahel en raison de l’inadéquation des ambitions et des objectifs de cette alliance aux pesanteurs et lourdeurs institutionnelles d’un autre âge. Cela les a convaincus que la voie de l’indépendance et de la dignité, à laquelle ils sont engagés aujourd’hui, est incompatible avec la participation au G5 Sahel dans sa forme actuelle, selon un communiqué commun publié par le Burkina Faso et le Niger.
Récemment, la CEDEAO a octroyé plus de 18 millions de dirhams à chacun des trois pays membres de l’AES, en soutien à leur lutte contre le terrorisme. Cette contribution, accordée le 30 novembre par le président de la Commission de la CEDEAO, Omar Alieu Touray, lors de la présentation de son rapport général sur l’état de l’organisation régionale devant le Parlement de la CEDEAO, est assortie d’une aide supplémentaire de 10 millions de dirhams au Burkina Faso en raison du grand nombre de déplacés internes dans ce pays.
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